Espace d’expression

Ci-dessous, quelques textes que nous souhaitons partager.


Martine Chéradame, « Pourquoi l’aïkido ».

Article paru dans l’Aïkido Journal n°43.
Un grand merci à la rédaction de nous avoir accordé la permission de reproduire cet article.

> Cliquer ici pour le lire.


Alain Villain*, « Relations sur un Tatami en Aïkido »

Texte extrait du thème d’étude proposé au Brevet d’Etat – Avril 1989

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Alain Villain, 5ème Dan, BE.

L’empreinte du professeur dans un dojo est déterminante pour l’ambiance du travail, pour les relations entre les pratiquants. Deux dojos proches ne se ressemblent pas, même si la technique enseignée y est identique. L’enseignement dispensé par le professeur sera le reflet de sa personnalité, de son vécu dans l’Aïkido.
Maître Tamura dit bien qu’il est essentiel pour l’homme de se livrer à une recherche sans cesse renouvelée. Cela signifie qu’il doit chaque jour trouver en lui, les forces de recommencer à zéro. L’étude d’un art martial n’est possible que dans la confiance et le respect éprouvé envers son professeur.
Notre professeur, Christian Gayetti, 6ème Dan** a commencé l’Aïkido à la venue de Maître Tamura. C’était alors les débuts du développement de l’Aïkido en France. Son expérience au fil des années lui a permis de suivre l’évolution de ce qui se passait sur le tatami : les propos qui vont suivre sont l’expression de ce vécu.
L’idée que la technique n’était pas tout, et que la véritable expression d’un art martial devait être conçue dans une unité corps et esprit est assez récente en France. C’est à la venue de Maître Nakazono au travers du karaté que ces idées sur les arts martiaux ont commencé à changer vers les années 1970. Et c’est à cette époque que les premières notions de: ventre, Hara*, Seïka tandem*, apparaissent.
* Hara = centre vital
* Seïka tandem : centre spirituel de l’homme d’après la conception Bouddhiste, situé à 2 cm au-dessous du nombril.

Maître Nakazano avant son départ exprimait cette idée au travers de cette phrase : « II faut continuer à travailler votre art pour trouver votre vérité et votre bonheur… ».
Par la suite Maître Tamura arrivât et continuât d’exprimer cela au travers de l’Aïkido. Ce qui se passait sur le tapis était très différent d’aujourd’hui. D’abord nous découvrions cette technique et si les gens étaient durs et raides dans leurs corps et dans les techniques qu’ils travaillaient, ils étaient aussi beaucoup plus disponibles dans cet échange. Il n’y avait pas encore de recul et de connaissances par rapport aux techniques qui permettent le calcul (dans le sens de réfléchir et contrer) et l’échappatoire à une situation ; qui se veut au départ instinctive, spontanée et sans action neutralisée ou neutralisante. L’esprit était sans doute plus présent dans l’action en cours.
La différence est énorme et déterminante, dans un cas on fausse la situation et on triche, dans l’autre on vit l’instant présent sans arrière pensée. D’où le grand problème de ce qui se passe sur le tapis.
Aujourd’hui, alors que les pratiquants connaissent la technique et qu’ils ont assez de recul pour commencer à l’oublier et pour travailler à un autre niveau, il est très important d’en prendre conscience et de ne pas se tromper.
« Une fois la technique acquise, ce qu’il faut c’est affermir et affirmer son centre ».
Les grands maîtres arrivent sans doute à dépasser ce stade et à oublier aussi ce centre.

L’engagement avec notre partenaire est aussi déterminant dans l’échange. Au début de l’apprentissage de l’Aïkido on disait Uké (celui qui subit), puis depuis quelques années Maître Tamura a parlé de Aïté (té = la main amie. Aï = coopérante, protectrice). C’est le reflet d’un changement et d’une évolution dans notre compréhension de l’Aïkido.
Dans un premier temps, le but des arts martiaux est de nous faire retrouver notre unité (corps et esprit) et notre harmonie avec le milieu où nous sommes.
Comment y arriver sur le tapis face à un partenaire ?
Les situations d’échange peuvent être nombreuses et complexes et porter à de multiples interprétations, mais nous pouvons les ramener à 3 cas types (dans le cas de l’Aïté, ou l’attaquant…) :

1) II se refuse en jouant de l’inertie ou bien en se donnant avec complaisance.
2) II agresse son partenaire en le bloquant.
3) II se présente dans une action sans arrière pensée négative si ce n’est celle de satisfaire à une forme de travail dans laquelle il se donne avec concentration et oubli de soi. Son partenaire a donc la possibilité de se juger dans sa présence, sa garde et sa technique.

Il en va de même pour en retour. Nagé, celui qui effectue la technique, respecte cet échange car lui aussi peut agir dans les mêmes situations que Aïté, il peut :

1) Être ignorant, sûr de lui et condescendant.
2) Être agressif et destructif sous prétexte de martialité.
3) Être présent et respecter son partenaire qui lui a offert la possibilité de se juger et d’être jugé à travers la technique. Cette technique alors bien effectuée n’est pas dangereuse et peut exprimer le plus haut niveau de l’art et de l’efficacité.

On peut dire, et c’est flagrant, que le tapis est le reflet du comportement dans la vie courante. La rencontre et l’échange avec un partenaire sur le tapis est un véritable dialogue engagé à deux que l’on partage ou que l’on refuse. On le refuse en ignorant l’autre ou en l’agressant sans savoir ni chercher qui des deux a raison. On l’accepte et on le partage et alors une possibilité de se découvrir et de s’élever existe, l’enrichissement est possible. Maître Tamura a exprimé cette idée un jour : « L’Aïkido, ce n’est pas l’un ou l’autre des partenaires, mais ce qui naît de la rencontre des deux ».

 

* Alain Villain, 5ème Dan, est un élève de Christian Gayetti depuis les années 80.

** À l’époque de la rédaction de ce texte, Christian Gayetti était 6ème Dan.


Cyrille Bertrand, « Dirigeants et Aïkido, la posture de dirigeant sous le prisme de l’aïkido »

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Cyrille Bertrand, 2ème Dan

J’accompagne des personnes en difficultés – quel que soit ce niveau de difficultés et le domaine dans lequel se produisent ces difficultés – ou encore des personnes dans un processus de changement professionnel subi ou choisi avec une remise en cause élevée, liée à ce changement.
Je suis thérapeute depuis 1996 et formateur-consultant-coach depuis 1998. J’ai démarré la pratique de l’aïkido en 1998. Je peux d’autant mieux constater et vérifier l’impact de cette discipline sur ma posture professionnelle que j’ai arrêté de la pratiquer pendant 5 ans, de 2010 à 2014 !

Je vais probablement enfoncer des « portes ouvertes » pour certains d’entre vous en évoquant la posture professionnelle sous le prisme de l’aïkido mais il me semble important de revenir sur ces évidences !

La première est d’être centré sur soi pour mieux être centré sur l’autre, la deuxième d’avoir conscience de l‘impact que l’autre a sur soi et la dernière consiste à développer un « ego humble » pour apprécier la complexité de la relation. Je vais donc revenir sur ces trois aspects de la posture et les mettre en lien à la fois avec ma pratique professionnelle et ma pratique d’aïkidoka :

• Trouver son centre : simple à dire, plus exigeant à réaliser ! Nous sommes aujourd’hui dans un changement de paradigme dans l’accompagnement au vu de l’éclairage des neurosciences affectives. L’accompagnement sous toutes ses formes devient une question de « régulation affective » et cela implique nécessairement une auto-régulation pour développer une meilleure empathie envers l’autre. Se centrer sur sa respiration, chercher l’instant de la rencontre, être présent à son mouvement interne, savoir se taire pour écouter sont des dynamiques qui sont développées en aïkido au-delà des techniques martiales.

• L’impact de l’autre sur soi : l’aïkido rend visible la partie invisible de la relation, c’est-à-dire l’impact que l’autre a sur soi. La discipline liée à cette pratique de l’impact va permettre de développer une awareness (conscience de soi et de l’environnement) plus sensible, qui sera au service de la posture et du cycle du contact chers aux Gestaltistes. La question de la régulation viendra naturellement au premier plan. Celle-ci peut être soigneusement évitée pour ne pas ressentir les désagréments occasionnés sur ses propres sensations. Nous retrouverons cette dynamique de l’impact dans l’accompagnement quel qu’il soit. Le professionnel pourra être impacté émotionnellement et/ou dans ses valeurs et nous pouvons vaciller sur notre propre socle identitaire empreint de certitudes.

• Développer un « ego humble » : l’ego est souvent mal vu car coloré péjorativement ou mal venu, et pourtant il est nécessaire pour manifester sa présence dans la rencontre, le contact, la relation et parfois le lien qui se crée ! Pour réguler cet ego, il va falloir développer une présence physique et psychique avec une humilité dans la rencontre, oser aller dans ses zones d’inconfort afin de ne pas réduire l’autre à un premier jugement et à une première appréhension. Ceci afin de découvrir l’autre dans sa complexité, tout en faisant place à la sienne. Dans les principes de l’aïkido, sur un tatami, nous pratiquons ensemble quel que soit le grade, le sexe, la nature sociale, l’âge, etc. Nous sommes invités à découvrir l’autre en limitant les projections et nos perceptions vont se focaliser sur la rencontre.

Aujourd’hui, ce que je retiens au travers de l’enseignement de l’aïkido de feu Maître Tamura et ma pratique régulière avec Christian Gayetti mon professeur, c’est de pratiquer avec discipline afin d’être en recherche pour trouver l’équilibre en moi et d’avoir « un cœur droit ! ».

Ce « cœur droit ! », citation de Maitre Tamura que je trouve magnifique, qui donne le sens au travail pour acquérir cette posture que j’essaie de transmettre aux professionnels de l’accompagnement…

Par ailleurs, je continue de créer des exercices inspirés de la pratique de l’aïkido dans l’accompagnement des dirigeants et de leur équipe afin qu’ils contactent et trouvent leur « ego humble », centré sur leur impact, leur capacité à décider dans un monde aujourd’hui appelé VUCA (Volatility, Uncertainty, Complexity, Ambiguity). Ils seront probablement les leaders de demain, il est important d’initier aujourd’hui ce mouvement !

Et je l’ai plus récemment intégré dans une formation intitulée « Transformer sa peur en puissance » ou dépasser sa honte de réussir.